Lorsque l’on souhaite initier un groupement de commande porteur de valeurs de partage et d’ouverture aux demandes locales et citoyennes, le rôle du coordonnateur est essentiel. Il doit cependant être aussi un juriste capable de rédiger et d’adapter les cahiers des clauses et règlement de consultation. Mais il ne faudrait pas penser a contrario que l’application du code de la commande publique soit nécessairement un frein à cette démarche collective. En effet, un certain nombre de dispositifs, bien compris et bien appliqués, vont sécuriser le cadre contractuel et permettre à l’acheteur public de concevoir un marché équilibré et équitable pour tous les opérateurs économiques.
Premier point : le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) doit impérativement mentionner dans la liste des pièces constitutives du marché le cahier des clauses administratives générales (CCAG).

Résiliation d’un marché public

Un marché public, acte contractuel, peut faire l’objet d’une résiliation en cours d’exécution. Plusieurs cas de résiliation peuvent se rencontrer.
Le cahier des clauses administratives particulières fera référence au cahier des clauses administratives générales voire reprenne directement les articles de ce dernier. Si le coordonnateur adapte ces clauses, il doit indiquer qu’il déroge au CCAG.

La résiliation de plein droit

– La force majeure qui empêche le titulaire (entreprise) de continuer à exécuter le marché (ex : pandémie, catastrophe naturelle, guerre…). Le fait doit être imprévisible, extérieur aux parties, rendant impossible la poursuite d’exécution du marché. (art. L.2195-2 du code de la commande publique).
– La disparition du titulaire du contrat : faillite, décès…

La fin anticipée du contrat par la personne publique

Rappel : un EPLE coordonnateur est une personne publique et peut donc user de ces dispositions.

– La résiliation pour motif d’intérêt général :
Même en l’absence de clause contractuelle en ce sens, la contrepartie prévue à l’article 33 du Cahier des Clauses Administratives Générales Fournitures et services (CCAG FS) est l’indemnisation du titulaire du marché. Cette indemnisation doit couvrir l’intégralité du dommage subi par le titulaire du marché public, à condition qu’il puisse en justifier le montant, et que cela n’aboutisse pas à un enrichissement indu. Elle prend en compte les dépenses engagées ainsi que le manque à gagner de l’entreprise. Toutefois, un CCATP (cahier des clauses administratives et techniques particulières) par une clause expresse, peut exclure toute indemnisation ou prévoir une indemnisation transactionnelle moindre que le montant du dommage.

Cas particuliers des accords-cadres :
La résiliation des accords-cadres à bons de commande et des
accords-cadres passés sans minimum, ne donne pas droit à indemnisation, car l’administration ne s’est engagée sur aucun
montant de commande.
Aucune indemnisation n’est due aux titulaires d’un accord-cadre multi-attributaire résilié, car ceux-ci ne peuvent justifier d’un manque à gagner certain.

– La résiliation pour faute du titulaire du marché :
En l’absence de clause prévue à cet effet, seule une faute d’une gravité suffisante est de nature à justifier la résiliation d’un marché public aux torts du titulaire. Il existe deux types de résiliation pour faute : la résiliation simple (pas d’indemnisation demandée à l’entreprise) et la résiliation aux frais et risques (indemnisation par l’entreprise)
« En cas d’infraction caractérisée aux clauses contractuelles
(retards répétés lors des livraisons, de fournitures défectueuses), de silence aux courriers de demandes d’informations de statistiques, de cotations, le pouvoir adjudicateur du groupement peut résilier le marché par lettre motivée recommandée avec accusé de réception un mois avant l’intention de dénonciation. La résiliation se fait après avoir invité le titulaire à présenter ses observations dans un délai de 15 jours »

Pénalités

Les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution et des prestations contractuellement prévus.
Toutefois la jurisprudence administrative a admis que l’absence de préjudice dans le cas de retard dans l’exécution d’un marché ne dispensait pas le titulaire du marché de verser des pénalités. Constituant une sanction contractuelle, elles doivent nécessairement être prévues dans le cahier des clauses administratives et techniques particulières. Il est important pour
l’acheteur ou l’adhérent au groupement dans le cas d’un accord-cadre de bien identifier le début d’exécution du marché pour ne pas engendrer de litige sur la computation des pénalités.
L’article 14 du CCAG FCS prévoit également les modalités d’application et de calcul de pénalités applicables en cas d’indisponibilité de matériel faisant l’objet du contrat.
Une formule type peut se décliner ainsi :
P = V * R /1000
P = le montant de la pénalité
V = la valeur des prestations sur laquelle est calculée la pénalité (ex : commande)
R = le nombre de jours de retards
A noter que l’article 14 du CCAG FCS indique que le titulaire du marché est exonéré des pénalités dont le montant ne dépasse pas 300 € HT pour l’ensemble du marché.
De ce fait, il est fortement recommandé d’inclure dans sa clause « pénalités » dans le CCATP du marché, une dérogation expresse au CCAG FS qui soit contraignante pour le fournisseur et qui ne prenne pas en compte ce seuil de 300 €. Il est conseillé d’adapter un régime de pénalités plus fortes en fonction des sommes et des enjeux du marché concerné.

Clauses de progrès

Ce type de clauses révèle la volonté de l’acheteur d’aller plus loin dans l’adaptation du CCATP au regard du droit de la commande publique et au contexte économique, social national et local.
Il est possible dans le cadre d’un marché de fournitures alimentaires d’insérer :
▷ une clause relative aux performances en matière d’agriculture raisonnée ou biologique
▷ une clause en matière de respect des lois sociales et environnementales
▷ une clause en matière de respect du droit animal (viandes, charcuterie, volailles)
Depuis la Loi Agriculture et Alimentation du 30 octobre 2018 – en application des articles 67 à 73 :
▷ une clause en matière d’insertion sociale avec la valorisation de mission d’insertion ou d’entreprises ou de structures recourant à des personnes en situation de handicap
▷ une clause relative au respect des règles d’hygiène et de sécurité :
« Le titulaire du marché s’engage, dès la notification du marché, à respecter les termes du plan de prévention éventuel des risques de chaque adhérent. Le personnel intervenant sur le site sera tenu de respecter des règles de sécurité adaptées à un établissement accueillant du public et de se conformer aux consignes générales d’identification de personnes étrangères à l’établissement ».
▷ une clause statistique : exemple « En fin de chaque année civile, le fournisseur fera parvenir à l’établissement coordonnateur du groupement, un état du chiffre d’affaire et des quantités commandées par chaque établissement pour ladite soumission ».
▷ une clause favorisant le recours en cas de différend ou de litige, à la médiation ou à l‘arbitrage, au détriment du contentieux : recours aux CCRA (comités consultatifs de règlement amiable des litiges)
« En cas de différends entre les partis dans l’exécution du marché, un arbitrage préalable à un éventuel contentieux pourra être mis en œuvre afin de trouver une solution amiable »

Clause de variation des prix

Les marchés alimentaires doivent toujours faire l’objet d’une rédaction des clauses de variation de prix, soigneuse et appropriée selon l’objet du marché. On pourra se référer outre à ce guide de l’ACENA, à la fiche du MINEFI (ministère des finances) sur l’indexation des prix dans les marchés publics de restauration collective/nutrition et au guide pratique 2018 de l’APASP sur les marchés publics de fournitures de denrées alimentaires.

Définition

Un prix est un nombre qui indique la valeur de transaction d’une unité de marchandise ou de prestation (kilogramme ou litre d’un produit, sachet, heure de prestation, etc.) ; il est généralement exprimé en unité monétaire euro. Le prix de revient d’un distributeur est composé majoritairement de la valeur du produit (70 à 80 %) et de coûts annexes (30 à 20 %) constitués,
notamment, de salaires, du conditionnement, du stockage, de la préparation des livraisons, de l’expédition des produits.
Au-delà des composantes du coût de revient, le prix formulé en réponse aux appels d’offres intègre la marge du distributeur.

Principes

Les prix (art. 2112-6 et art. 2112-7 à 2112-12 du code de la commande publique) sont soit unitaires, soit forfaitaires. Les prix relatifs à des fournitures alimentaires sont le plus souvent unitaires. Les prix indiqués dans les marchés sont définitifs. Les prix sont intangibles et ne peuvent être modifiés hors clause de variation de prix, qu’il est nécessaire de prévoir en connaissance de cause, puisque la forme et la variation du prix retenues sont, elles, intangibles.
Les prix définitifs sont soit fermes, éventuellement actualisables, soit révisables.
Les prix fermes et définitifs sont rares concernant les marchés
de fournitures alimentaires.
Dans le cas particulier des achats ponctuels, non récurrents, de denrées alimentaires (ex. : buffet pour un colloque, etc.), les prix pourront être fermes.
Ils font l’objet d’une révision, soit par actualisation de prix, soit par révision de prix.
Hors cas particulier, le cumul des deux formules n’est pas possible. Un prix ferme est actualisable par une réévaluation affectée à un marché pour tenir compte de l’évolution de paramètres économiques (indices, index) entre la date où le marché a été notifié (prix de l’offre), et sa date de commencement. Depuis 2008, cette actualisation est obligatoire si le délai entre ces dates dépasse 3 mois. Une seule actualisation peut avoir lieu pendant l’exécution du marché. Elle peut ne pas forcément être prévue en début d’exécution du marché. Elle s’applique surtout pour les marchés inférieurs ou égaux à un an. Cette actualisation transforme le prix initial en nouveau prix ferme jusqu’à la fin d’exécution du contrat, même s’il est renouvelable.
▷ Un prix est le plus souvent révisable dans les marchés alimentaires selon une clause définie dans le cahier des clauses administratives (Cf. art. R2112-13 du code de la commande publique).
▷ Il se définit comme pouvant être modifié à la hausse comme à la baisse pour tenir compte des variations économiques survenues en cours d’exécution du marché , soit en fonction d’une référence ou révision par ajustement (cotations , cours ou mercuriales) , soit par application d’une formule représentative de l’évolution du coût de la prestation , soit en combinant les deux.
Les marchés d’une durée d’exécution supérieure à trois mois doivent obligatoirement faire l’objet d’une révision de prix. Le prix d’un marché public doit varier en fonction de paramètres objectifs, qui ne dépendent pas en principe de la volonté des parties. La révision doit être un outil de traduction fidèle de l’évolution du prix des prestations qui constituent le marché pendant son exécution. Un indice/index trop général videra la révision de son objectif. La formule de révision du prix peut comporter une partie fixe et une partie variable (régulièrement recalculée sur la base de l’évolution des indices ou des index la composant), mais s’agissant des denrées alimentaires, les indices correspondants intégrant le plus souvent des éléments de coûts fixes, il est préconisé d’utiliser des formules de révision sans part fixe spécifique.
La difficulté des marchés publics de fourniture de produits alimentaires tient à ce qu’ils sont par nature exposés à des fluctuations aléatoires liées aux saisons et à des problématiques de disponibilité des ressources (météorologie, rendements, mondialisation, etc.) : un rythme annuel de révision ou un marché d’un an à prix ferme ne permettent pas de prendre en compte les aléas auxquels ce secteur est exposé et qui sont particulièrement observés depuis 2008, tant à la hausse qu’à la baisse du
marché à prix révisable, conformément aux prescriptions de l’article 18 du CMP.

Avantages du recours au prix révisable

Améliorer la mise en concurrence puisqu’un plus grand nombre de fournisseurs ou de producteurs pourront répondre aux appels d’offres sans craindre de nuire à leur pérennité.
▷ Corriger les effets pervers liés à l’attitude « de prudence » (avec un surcoût inévitable), au moment de la passation des marchés, des fournisseurs ou producteurs ne pouvant anticiper l’évolution des prix ou des cours ou ne pouvant pas se couvrir financièrement de cette évolution.
▷ Limiter les litiges avec les fournisseurs et les situations où le fournisseur est contraint de solliciter une résiliation anticipée à l’amiable du marché (simplifie la gestion des marchés)
▷ Bénéficier des révisions de prix, à la baisse, lorsque les cours sont baissiers (contrairement aux prix fermes).

Bonnes pratiques

Prévoir, le plus souvent possible, un prix révisable permettant de tenir compte de l’évolution des prix.
▷ Toujours baser la révision sur un indice/index/mercuriale représentatif. Lorsqu’ils existent, le marché devra privilégier les indices/index /mercuriales sectoriels ou interprofessionnels applicables aux produits concernés : la référence aux indices/index/mercuriales des différentes familles agrégées de produits n’est utilisée que lorsque la référence directe aux produits n’est pas possible. Il est recommandé dans ce cadre de prendre en compte les indices/mercuriales publiés par le réseau des nouvelles des marchés (RNM) (cf. encart spécifique, ci-dessous). A défaut d’indices/mercuriales RNM correspondant aux produits du marché, les indices INSEE de prix à la production ou à l’importation (par opposition aux indices de prix à la consommation, qui ne sont pas adaptés aux fournitures dans le cadre de marchés publics) pourront constituer la base de révision des fournitures concernées.
▷ Adapter le lancement des consultations à la saisonnalité des produits (ex : fruits et légumes). En effet, les candidats à la consultation doivent pouvoir émettre leurs propositions tarifaires en ayant une visibilité sur les prix à la production afin d’adapter leur offre à la réalité économique du marché.
▷ Adapter le rythme de révision au produit concerné. Dans la majorité des cas, une révision annuelle sera inadaptée pour les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires, particulièrement pour des produits sujets à de fréquentes variations de prix ou de cours. Selon les produits, un rythme hebdomadaire, mensuel, trimestriel ou semestriel, permettra de conserver l’équilibre économique du marché. Il est donc nécessaire que les prix du marché puissent être révisés en cours d’exécution selon les fréquences suivantes.
Le coordonnateur, lorsqu’il définit la périodicité de révision des prix, doit tenir compte de la capacité des adhérents (services de gestion et comptables) à suivre sans trop de difficulté les différents tarifs.

Fréquence de révision selon les produits alimentaires

FréquenceProduits concernésDate optimale de révision
HebdomadaireFruits et légumes frais
Produits de la mer frais
Mercredi pour jeudi
MensuelleAutres produits frais (viandes fraiches, volailles, œuf coquilles, etc.)Le 20 de chaque mois pour le mois suivant
TrimestrielleProduits laitiers et ovo-produits
Produits type “corps gras” (huiles, etc.)
Café
Janvier pour février
Avril pour mai
Juillet/Août pour septembre
Novembre pour décembre
SemestrielleProduits surgelés
Produits d’épicerie (hors corps gras et produits de campagne)
Boissons
Pain frais
Produits de campagne (comportant notamment une part importante de produits saisonniers – ex : compotes, fruits aux sirop, salades de fruits)
Septembre pour octobre
Février pour mars
AnnuelleFruits et légumes de 4ème et 5ème gammesNovembre pour décembre

Détermination des clauses de variation de prix

Pour les familles de produits frais, réfrigérés et surgelés

Formule générique :
Pn = Po x ln / lo
Avec :
Pn = prix révisé.
Po = prix HT en cours d’application (ou prix HT initial de l’offre).
ln = moyenne des indices sur la période de révision.
lo = dernier indice définitif connu au moment de la précédente révision (ou de l’offre initiale pour la 1ère révision).

Modalité d’indexation pour les produits frais ou réfrigérés

Exemple de formule de révision trimestrielle pour le beurre doux, plaquette de 250 g (code RNM 190004) :
Po = 4,43 €/kg au 01/01/2014
Cotation RNM au 15/12/2014 = 128,08 = lo
Cotation RNM au 15/01/2014 = 128,15
Cotation RNM au 15/02/2014 = 128,46
Cotation RNM au 15/03/2014 = 122,48
Soit ln (moyenne des 3 dernières cotations) = 125,36
Donc, Pn = 4,43 x 125,36/128,08 = 4,38 €/kg
Le nouveau prix du beurre doux plaquette 250 g sera au 01/04/2014 de 4,38 €/kg.


Exemple de formule de révision semestrielle pour le haricot beurre extra fin boite 5/1 (code INSEE : 1652134)
Po = 6,3 €/boite au 01/03/2014
lo = 101,7 au 01/10/2013
ln = 104,6 au 15/06/2014
Donc, Pn = 6,30 x 104,6/101,7 = 6,48 €/boite
Le nouveau prix des haricots beurre extra fin boite 5/1 sera au 01/09/2014 de 6,48 €/boite.

A noter :
– pour ces produits l’élément de référence auquel se reporter est l’indice INSEE – prix de production
– l’indexation doit être semestrielle, sauf pour les produits de campagne et les corps gras, dont l’indexation est trimestrielle
– il est préférable de respecter un préavis de 15 jours avant mise en œuvre des prix ajustés, pour application au 1er jour du mois suivant

Pour les familles de produits surgelés

Exemple de formule de révision semestrielle pour une portion nature cure de filets de colin d’Alaska sans arête (code RNM 493) :
Po = 5€/kg au 01/01/2014 – Validité de Po : 01/01/2014 au 30/06/2014
Cotation RNM au 15/12/2013 : 6,20 €/kg = lo
Cotation RNM au 15/01/2014 : 6,06 €/kg
Cotation RNM au 15/02/2014 : 6,23 €/kg
Cotation RNM au 15/03/2014 : 5,50 €/kg
Cotation RNM au 15/04/2014 : 6,00 €/kg
Cotation RNM au 15/05/2014 : 6,00 €/kg
Cotation RNM au 15/06/2014 : 5,50 €/kg
Soit ln (moyenne des 6 dernières cotations) = 5,88 €/kg
Donc, Pn = 5 x 5,88 / 6,20 = 4,74 €/kg
Le nouveau prix de la portion nature crue de filet de colin d’Alaska sans arête sera au 01/07/2014 de 4,74 €/kg.