L’allotissement peut être technique, fonctionnel, géographique ou lié à des considérations de capacité ou de sécurité. Il constitue un levier essentiel dans la relocalisation des approvisionnements.

Le cadre réglementaire


Le code de la commande publique réaffirme et étend le principe de l’allotissement à l’ensemble des acheteurs. Sauf à s’inscrire dans les exceptions prévues à l’article L 2113-11 du Code de la commande publique, tous les marchés doivent être passés en lots séparés lorsque leur objet permet l’identification de prestations distinctes. Seuls certains marchés globaux échappent par nature à l’obligation d’allotissement.
L’allotissement est le fractionnement d’un marché en plusieurs sous-ensembles appelés «lots» susceptibles d’être attribués séparément et de donner lieu chacun, à l’établissement d’un marché distinct. Par principe, les marchés publics sont allotis.
Allotir un marché consiste à fractionner l’objet d’une consultation en lots, en fonction des caractéristiques techniques distinctes des prestations, ou de la structure du secteur économique concerné.
A cet égard, l’allotissement visé par l’article L 2113-10 du Code de la commande publique consistant en la conclusion de plusieurs marchés distincts ne doit pas être confondu avec la décomposition en lots techniques qui permet l’affectation de chaque ensemble technique à un membre d’un groupement d’entreprises dans le cadre d’un marché public unique.

Point de vigilance : l’article 32 de l’ordonnance n° 2015-899 ne permet plus à l’acheteur d’autoriser les candidats à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus. Cette interdiction est reconduite dans le Code de la commande publique.

L’allotissement technique

Les produits alimentaires doivent être scindés en grandes rubriques en fonction de leur définition, des capacités locales ou économiques, qui peuvent elles-mêmes être subdivisées en lots. Il appartient aux membres du groupement de juger de l’opportunité de définir le nombre de lots et la liste des produits rattachés.
Les grandes familles habituelles sont :
– Les produits laitiers : dans ce cadre, les membres du groupement doivent réfléchir à bien distinguer les produits bruts ou qui subissent peu de transformations et qui pourront faire l’objet de lots dédiés, des produits plus élaborés essentiellement fournis par l’industrie agro-alimentaire. Il est important de bien connaitre le potentiel local afin d’allotir de la façon la plus équitable et d’ouvrir le marché en fonction des niches économiques repérées (yaourts, fromages frais, fromages de chèvres, fromage à la coupe, crème fraîche,…).
– Les produits d’épicerie : la définition des lots doit se faire de façon collective entre chefs de cuisine, techniciens de la restauration et professionnels de la nutrition. En effet, les lots peuvent varier d’un groupement à l’autre en fonction des pratiques et de la typologie des adhérents (nombre et taille des internats, proportion de collèges et lycées, effectifs moyens des adhérents…). La définition et la composition des lots peuvent et doivent varier d’une consultation à l’autre. En effet, la définition des produits doit s’affiner en fonction de l’évolution des connaissances des prescripteurs, de l’évolution de l’offre et des pratiques culinaires et tendances nutritionnelles (menu végétarien, suppression d’additifs…). La question des productions locales sur les produits d’épicerie est plus difficile à appréhender en raison des conditions d’approvisionnement de ces produits typiques de l’industrie agro-alimentaire. On relève le plus souvent comme produits locaux potentiels l’eau de source, le vin, la farine, l’huile, les compotes à base de pommes et poires…
– Les produits surgelés : la définition des lots doit refléter l’attention du coordonnateur et des adhérents sur la qualité nutritionnelle des produits. Les efforts porteront sur une définition stricte des produits attendus notamment sur les morceaux de viande et les poissons, leurs conditions de découpe, de congélation et de composition. Sur ce dernier point la notion de pleins filets doit permettre d’éliminer tous les produits à base de viande ou poisson reconstitué. Le coordonnateur, s’il souhaite obtenir des produits de qualité, doit envisager d’allotir par type de famille : glaces, poissons, viandes, légumes, pâtes et autres préparation.
– Les fruits et légumes : il s’agit d’un des marchés les plus complexes à monter sans avoir toujours la certitude d’atteindre les objectifs attendus. Plusieurs solutions s’offrent, sans hiérarchie des unes sur les autres.
• Solution 1 : un lot unique dont les estimations sont faites en tonnes par produit ou en masses financières. Cette solution s’adresse principalement aux grossistes. Dans ce cas, pour ouvrir indirectement le marché aux producteurs locaux, certaines obligations de résultat pèseront sur les grossistes au moyen de clauses spécifiques (communication des producteurs avec lesquels le grossiste contracte, indication géographique départementale pour chaque produit, fraîcheur…). Ce marché peut être subdivisé avec un lot de produits biologiques.
• Solution 2 : le marché est défini en lots par produits ou familles de produits (pommes, fraises, poires, bananes, pommes de terres, salades, fruits exotiques…). La problématique est d’arrêter la liste des produits ou par familles de produits de façon rationnelle. L’objectif est de permettre aux producteurs ou coopératives de répondre directement. Cette solution, si l’on veut obtenir un approvisionnement local, nécessite de prévoir également un allotissement géographique. Le coordonnateur devra alors gérer un nombre important de lots dont la viabilité économique sera sujette à caution. Se posera la question de la certitude d’assurer un approvisionnement quels que soient les aléas climatiques et économiques.
• Solution 3 : un mélange des deux solutions précédentes. Un lot intègre les productions extra métropolitaines, les productions hors saisons ou non produits localement. D’autres lots reprennent les possibilités régionales. Dans les trois cas, le cahier des charges doit intégrer des clauses faisant peser des obligations de résultats quant à l’origine des produits auprès des titulaires.
– La charcuterie : Ces produits doivent bénéficier d’une réflexion spécifique. Un certain nombre de produits dont la saucisserie peuvent faire l’objet d’un approvisionnement local tant en minerai qu’en fabrication. Les initiateurs du groupement feront également preuve d’une grande exigence sur les composants des produits : additifs, sodium, colorants… Pour cela, les lots seront constitués en fonction de leur mode de fabrication et des capacités régionales.
– Les viandes fraîches : il serait tentant de constituer un seul lot « viandes fraîches ». Ce serait une erreur fondamentale si l’on veut ouvrir du mieux possible et en toute équité la commande publique aux filières locales. Il faut distinguer :
• Les viandes bovines (bœuf et veau)
• Les viandes porcines
• Les viandes ovines
• Les volailles et lapins
En effet, les conditions de production (temps d’élevage, conditions, labellisation…) pour chaque filière sont très différentes. En scindant le marché viandes fraiches en lots techniques, on évite des attributions aux seuls négociants et distributeurs. Concernant les lots viandes fraiches, l’allotissement doit intégrer la notion d’équilibre matière. En effet, notre pratique en matière d’élaboration de repas nous amène à privilégier très souvent les mêmes morceaux de viande, déjà prêts à la mise en cuisson. Cette pratique répond à l’évolution des attentes des convives (plus de viandes grillées, moins de viandes bouillies) et de préparation des viandes (disparition des ateliers de découpe et perte d’un savoir-faire technique).
Ce point dit « d’équilibre matière » est particulièrement important dans le commerce de la viande, toutes espèces confondues y compris les poulets pour lesquels le poids des cuisses représente environ le double de celui des filets… alors que la demande pour les filets est environ du double de celle des cuisses. La mise en œuvre de cette notion « d‘équilibre matière » est plus aisée à mettre en œuvre dans le cadre d’un groupement lorsque celui- ci existe depuis un certain temps et a prouvé sa légitimité dans le circuit économique de proximité.
L’allotissement devra s’inspirer des préconisations des filières bovines en plein accord avec les chefs de cuisine, prescripteurs, qui devront adapter leurs menus et pratiques. L’appui des collectivités territoriales, responsables de la formation de leurs personnels est ici essentiel.
L’allotissement technique joue sur l’évaluation et l’estimation des seuils dans le cadre des procédures de consultation. L’ACENA a fixé une préconisation : la méthode de définition des familles de produits alimentaires (allotissement) est uniforme quel que soit le coordonnateur en charge du secteur géographique. Elle ne peut favoriser le « saucissonnage » afin de se dispenser de la mise en œuvre des procédures d’appel d’offre. L’appel d’offre, procédure définie par le code de la commande publique, n’empêche pas d’intégrer la notion de circuits courts et de produits locaux dans l’achat public. Il appartient à l’acheteur de ne pas être enfermer dans la structure formelle de la consultation mais de la concevoir comme un outil de structuration de l’offre locale et de qualité.

L’allotissement géographique

Si la volonté du coordonnateur et de ses partenaires institutionnels est d’ouvrir du mieux possible la commande publique des EPLE aux filières agricoles locales, l’allotissement technique doit s’accompagner d’un allotissement géographique équilibré. En effet, ce dernier doit tenir compte du potentiel économique agricole présent, des principaux axes de circulation et du chiffre d’affaire potentiel attribuable par secteur.
L’avantage d’une telle méthode est d’ouvrir le mieux possible la commande publique, qui, accompagnée d’une bonne communication en amont peut permettre la réalisation des objectifs politiques. Les risques sont connus et doivent être toujours présents dans l ‘esprit des rédacteurs :
– Viabilité économique des lots pour les attributaires : un lot trop petit en masse financière et géographiquement trop étendu ne permet pas toujours à un titulaire de financer ses coûts de logistique et administratifs.
– Multiplication des fournisseurs pour les adhérents avec un accroissement des tâches administratives.
– Augmentation du nombre de transports routiers liés aux livraisons. Conseil : l’allotissement devra être arrêté au vu des états de recensement transmis par les adhérents.
En effet, la viabilité économique est essentielle car il n’est pas dans l’intérêt du coordonnateur d’avoir des lots infructueux.
L’adaptabilité de la notion d’allotissement, technique et géographique, est indéniable. Elle est une des clefs fondamentales que doit maitriser le coordonnateur pour atteindre les objectifs des adhérents, des collectivités et des citoyens.