L’évaluation du critère qualité doit s’appuyer sur une double analyse :
– Une analyse organoleptique des produits échantillonnés (voir fiche 5)
– Une analyse nutritionnelle et sanitaire de l’ensemble des produits du marché

Présentation de la situation

Cette analyse nutritionnelle et sanitaire sur laquelle l’acheteur s’appuie pour noter les offres correspond à une demande sociétale forte. Le rôle de l’alimentation dans l’augmentation ou la prévention de certaines maladies comme le cancer, l’obésité ou les maladies cardio-vasculaires, est aujourd’hui scientifiquement établi.
Deux chiffres peuvent être cités à l’appui de cette affirmation :
– 13% des 6-17 ans sont en surpoids en 2015 parmi lesquels 4% sont obèses d’après les études de Santé publique France.
– 87 des 320 additifs autorisés dans l’alimentation sont jugés préoccupants voire à éviter d’après l’étude réalisé par le magazine « que choisir » en novembre 2018. Même si cette dernière étude n’est pas basée sur une analyse de risque validée par l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, l’enquête INCA3 de 2017 publiée par l’ANSES sur les habitudes et modes de consommation des français, constate que dans l’assiette des français, on trouve toujours plus de produits transformés, encore trop de sel et surtout pas assez de fibres. Si l’on relie ces chiffres aux nombres de repas pris par les élèves dans leur établissement scolaire d’origine, on s’aperçoit que l’acheteur public en restauration collective dispose d’un véritable levier pour contribuer à améliorer la qualité nutritionnelle et sanitaire des aliments consommés par les jeunes. Les marchés alimentaires rédigés par les acheteurs publics se doivent de traduire cette préoccupation en véritable prescription.
A partir du moment où un candidat soumissionne à un marché public, il accepte les conditions de la consultation et ne peut déroger aux clauses contractuelles contenues dans le cahier des charges. Le marché public constitue donc un véritable instrument de politique publique. Il peut permettre d’infléchir certaines stratégies commerciales ou industrielles par les orientations données dans le cahier des charges. Introduire par exemple le « Nutri-Score » comme sous critère de notation peut inciter non seulement les industriels à revoir leur processus de fabrication mais également amener les distributeurs à proposer un meilleur produit à l’EPLE.
Pour évaluer la qualité des produits, l’analyse nutritionnelle et sanitaire doit alors se baser sur les données figurant dans les fiches techniques fournies par chaque candidat. Ces fiches font partie intégrante de l’offre technique et commerciale de chaque candidat.

A ce titre, le règlement de consultation doit exiger du candidat la fourniture des fiches techniques de tous les produits figurant dans son offre sous peine de pénalités ou de nullité de l’offre. L’acheteur peut également imposer que chaque fiche technique contienne un certain nombre de mentions minimales qu’il juge indispensable pour analyser les offres des candidats et sécuriser son achat. La fiche technique d’un produit alimentaire est un document commercial élaboré par chaque entreprise qui permet d’apporter une information claire à l’acheteur sur les caractéristiques propres et essentielles à chaque produit.
Les informations contenues dans la fiche technique doivent correspondre a minima aux règles d’information du consommateur sur les denrées alimentaires préemballées régies par le RÈGLEMENT (UE) N°1169/2011 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires :
• La dénomination de vente,
• L’origine du produit (lieu de provenance),
• Les mentions réglementées (AB, IGP, etc.)
• La composition (liste et quantité des ingrédients mis en œuvre par ordre d’importance décroissante (y compris additifs et arômes),
• L’identification du fabricant, conditionneur, fournisseur
• La quantité nette du produit en volume (produit liquide) ou masse (autres produits)
• La déclaration nutritionnelle (règlement INCO 1169/2011),
• La liste des ingrédients allergènes, la mention faisant état de l’absence d’OGM dans le produit proposé et en cas de traitement du produit par ionisation, la mention de ce traitement;
• Le mode d’emploi, si la denrée nécessite un usage approprié ou
une conservation spécifique.
• Le cas échéant, la date de durabilité minimale ou la date limite de
consommation
En fonction des attentes de l’acheteur, certaines informations complémentaires peuvent être demandées (ex. pour un lot poissons surgelés, la technique de congélation : simple ou double congélation. Avant de fournir un mode d’emploi pour l’utilisation d’un sous critère qualité nutritionnelle et sanitaire, il est nécessaire de présenter le Nutri-Score et la classification NOVA en tant qu’outils d’aide à la prise en compte des recommandations nutritionnelles.

Les outils publics d’analyse

Le Nutriscore

Le logo « Nutri-Score » s’inspire du système développé en Grande Bretagne en 2009 par Rayner et al pour réguler la publicité des aliments à destination des enfants. Le Nutri-Score est un système d’étiquetage nutritionnel qui s’applique à tous les produits transformés ainsi qu’aux boissons, à quelques exceptions près (herbes aromatiques, thés, cafés, levures, etc.). Ce système, basé sur la présence d’un logo avec cinq couleurs et 5 valeurs allant de A à E (du vert au rouge), a pour objectif de permettre aux consommateurs de faire le choix de produits plus sains et ainsi de participer à la lutte contre l’augmentation des maladies cardiovasculaires, de l’obésité et du diabète. Ce système est devenu aujourd’hui une référence pour déterminer le score nutritionnel d’un produit alimentaire transformé. Les recommandations nutritionnelles de Santé Publique France sont d’ailleurs de limiter les produits ayant un NutriScore D ou E
Ce système est devenu aujourd’hui une référence pour déterminer le score nutritionnel d’un produit alimentaire transformé. Pour rappel, le Nutriscore est basé sur une démarche volontaire de l’entreprise. En 2019, cela représentait 25 % des entreprises intervenant dans l’agro-alimentaire.

La classification Nova

La classification NOVA met en avant le degré de transformation des aliments. Les tenants de cette classification considèrent en effet que plus un aliment est ultra-transformé et plus sa consommation excessive augmente le risque de maladies chroniques. Cette classification élaborée en 2010 par Carlos Monteiro, professeur de nutrition et de santé publique à l’université de Sao Paulo (Brésil) et popularisée en France par le chercheur de l’INRA Anthony Fardet distingue quatre groupes d’aliments selon leur degré de transformation :
– Le groupe 1 : Les aliments bruts ou peu transformés
– Le groupe 2 : Les ingrédients culinaires (huiles végétales, farines, sel, sucres, vinaigre…),
– Le groupe 3 : Les aliments transformés (conserves, les aliments fumés, les fromages, les pains, etc.).
– Le groupe 4 : Les aliments ultra-transformés (A.U.T) (soda,
pâtes à tartiner, plat préparés, soupes instantanées, yaourts
aux fruits, saucisses, etc.)
Pour le groupe 4, les chercheurs en lien avec cette classification parlent non pas d’aliments mais plutôt de formulations industrielles, de produits alimentaires dont la fabrication comporte plusieurs étapes et techniques de transformations et qui font appel à une variété d’ingrédients dont beaucoup
sont utilisés exclusivement par l’industrie. Parmi les techniques de transformation industrielle, on compte le fractionnement d’aliments complets en différents composés, la modification chimique de ces composés, l’ajout d’additifs et d’agents cosmétiques et économiques (A.C.E), le tout étant destiné à rendre le produit final plus attractif. Les aliments du groupe 4 doivent donc être consommés très modérément au profit des aliments des 1ers groupes. Cette classification NOVA que l’on retrouve dans des rapports rendus par la FAO (agence de l’agriculture et de l’alimentation de l’ONU) est validée comme un outil pour la recherche en nutrition et en santé publique. D’ailleurs, depuis 2010, des études scientifiques sont régulièrement publiées sur la base de la classification NOVA.

La mise en pratique par le groupement

Suite à cette présentation du Nutriscore et de la classification NOVA, une question pratique s’impose : Comment dès lors utiliser ces outils pour faire en sorte que notre acte d’achat soit un levier pour un approvisionnement garantissant une qualité nutritionnelle et sanitaire optimale ? Cet outil de calcul de la qualité est basé en partie sur une note nutritionnelle et sanitaire des produits transformés et ultra transformé.
Avant d’évoquer le logiciel OCCENA développé par notre association pour répondre à cette question, il semble d’abord important d’expliciter la méthode de calcul du Nutriscore pour permettre une meilleure compréhension du sujet. Pour attribuer une note nutritionnelle à une fiche technique, on se réfère à la déclaration nutritionnelle obligatoire mentionnée dans la fiche technique que l’on doit analyser (RÈGLEMENT (UE) No1169/2011 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires). Le calcul du score nutritionnel des aliments repose tout
d’abord sur la prise en compte, pour chaque aliment, de 4 éléments constitutifs « négatifs » car associés à une augmentation du risque de maladies chroniques :


4 éléments constitutifs négatifsPour 100g ou 100 mlPénalité en fonction de l’apport
1 – ÉnergieKJDe 1 à 10
Matières grassesgDe 1 à 10
2 – dont acides gras saturésgDe 1 à 10
GlucidesgDe 1 à 10
3 – dont sucresgDe 1 à 10
4 – SelgDe 1 à 10
Composantes négatives

La composante négative N du score PNNS est la note correspondant à la somme des points définis pour les 4 éléments : cette note va donc théoriquement du plus favorable au moins favorable de 0 à 40.
Ce score N sera éventuellement minimisé par la soustraction de 3 éléments nutritionnels considérés comme positifs :


3 éléments constitutifs positifsPour 100 g ou 100 mlBonus en fonction de l’apport
1 – Fibres et légumes et noixgDe 1 à 5
2 – FibresgDe 1 à 5
3 – ProtéinesgDe 1 à 5
Composantes positives

La composante positive P du score PNNS est calculée en fonction de la teneur de l’aliment en fibres, en fruits, légumes, légumineuses, fruits à coque, huiles de colza, de noix et d’olive, et en protéines. Pour les protéines, celles ci ne sont comptées que si le score N est strictement inférieur à 11, ou si le produit est composé de plus de 80% de fruits et légumes, ou s’il s’agit de fromage. Pour chacun de ces éléments, des points, allant de 1 à 5 sont attribués en fonction de leur apport.
Le calcul final du score nutritionnel se fait en soustrayant à la note de composante négative N la note de la composante positive P :
Score nutritionnel = N (0-40) – P (0-15)
.
Pour attribuer à chaque élément les points de 1 à 10 ou de 1 à 5, il faut se référer aux tableaux ci dessous explicitant le calcul des points :

Exemple de calcul du score nutritionnel d’un éclair chocolat de marque X avec les valeurs nutritionnelles ci jointes :

Composantes « négatives » :
▶ Énergie : 1074 KJ soit 3 points (> 1005 KJ)
▶ Acides gras saturés : 6,8 g soit 6 points (>6 g)
▶ Sucres : 16 g soit 3 points (> 13,5 g)
▶ Sel : 0,75 g – conversion pour trouver l’équivalence en sodium mg : 0,75*400= 300mg sodium, soit 3points (>270mg)
Composantes « positives »
▶ Fibres : 2,3 g soit 2 points (> 1,9)
▶ Fruits et légumes : absence soit 0 points
▶ Protéines : 5 g soit 3 points (> 4,8 g)
Au final, la note nutritionnelle « théorique » de cet éclair au chocolat est = N (3+6+3+3) – P (2 +3) = 10 points. Cette note théorique ne constitue pas la note finale car dans cet exemple, cette note va être harmonisée au regard de la règle citée précédemment selon laquelle « pour les protéines, celles ci ne sont comptées que si le score N est strictement inférieur à 11, ou si le produit est composé de plus de 80% de fruits et légumes, ou s’il s’agit de fromage ». Dans ce cas, comme le score N est >=11, et que les fruits et légumes sont <5, alors on ne compte pas les protéines. Donc le score Nutriscore finalisé de ce produit est de 15 – 2 = 13, soit une note D.
Par cette méthode de calcul, vous pouvez ainsi classer pour chaque lot les candidats en fonction de leur offre nutritionnelle (addition de l’ensemble des points de chaque fiche technique).

Attention, pour les boissons et les fromages, le calcul du score est différent (voir Arrêté du 31 octobre 2017 fixant la forme de présentation complémentaire à la déclaration nutritionnelle recommandée par l’État en application des articles L.3232-8 et R.3232-7 du code de la santé publique).

Une fois cette méthode assimilée, vous pourrez inclure dans votre prochain règlement de consultation un sous critère qualité lié à la valeur nutritionnelle des produits.

OCCENA : L’outil calculateur des coordonnateurs des EPLE de Nouvelle-Aquitaine

Ce travail d’analyse qualité est très chronophage et source d’erreurs. Il peut être fait par tout ou partie des adhérents, le coordonnateur ne pouvant y arriver seul, ou être sous-traité. Si l’on souhaite également tenir compte de la présence de telle ou telle composante (huile de palme, huile hydrogénée, etc.) ou de tels ou tels additifs, la tache devient très vite complexe voire impossible. C’est la raison pour laquelle notre association a souhaité développer collectivement un outil de calcul de la qualité nutritionnelle et sanitaire qui puisse rationaliser et sécuriser ce travail. Pour ce faire, il a été indispensable de s’entourer de professionnels extérieurs : scientifiques et développeurs informatiques.
OCCENA, premier logiciel public de notation de la qualité nutritionnelle et sanitaire des offres alimentaires déposées dans le cadre d’un marché public a donc vu le jour.Ce logiciel permet désormais, dans le cadre des procédures de la commande publique, de sélectionner les produits alimentaires au regard d’un double critère :
– la valeur nutritionnelle des produits basée sur le calcul Nutriscore
– la valeur sanitaire des produits basée sur un algorithme élaboré par l’ACENA avec l’assistance de scientifiques. Cet algorithme tient compte de l’absence ou de la présence d’additifs, de l’absence ou de la présence de certains ingrédients et du recours ou non à certains process de fabrication. Ces données sont accessibles aux candidats dans le règlement de consultation de chaque marché.
Modulable, il permet à chaque groupement de poser ou pas des interdictions sur certains additifs, que ce soit sur la totalité des lots ou sur quelques-uns. Ces interdictions seront possibles dès lors que le groupement aura l’assurance de l’existence d’une offre alternative plus vertueuse sur
le marché et qu’il aura fait le nécessaire pour « nettoyer » ses bordereaux de produits, en éliminant les aliments les plus nocifs pour la santé.
Ainsi, la méthode de calcul de l’OCCENA, unifiée sur l’ensemble des
groupements de commandes qui l’utilisent, permet à la fois une exigence de qualité claire et constante pour nos fournisseurs tout en préservant une nécessaire souplesse dans la mise en œuvre du critère qualité par les différents groupements.
L’objectif est ainsi de mettre en avant les démarches vertueuses des entreprises agricoles et agroalimentaires de chaque région tout en donnant à nos partenaires économiques la possibilité de disposer de données de calcul fiables nécessaire pour progresser vers des produits de meilleure qualité.
Expérimenté dès le 1er juillet 2020, ce logiciel a vocation à être déployé auprès d’autres acheteurs publics afin d’amplifier la démarche née en Nouvelle Aquitaine pour une transition nutritionnelle et sanitaire de nos approvisionnements au bénéfice de nos élèves.
La base de données scientifique servant d’appui au calculateur sera régulièrement mise à jour en fonction des avancées des connaissances.